Les Atikamekws défendent la souveraineté de leurs terres



21 juillet 2012 - Depuis le 26 juin au matin, les chemins forestiers et le chemin de fer du Canadien National (CN) en Haute-Mauricie ont été bloqués, en signe de protestation contre l’exploitation des ressources naturelles de leur territoire ancestral, par les membres de la nation Atikamekws. Les trois conseils de bande de Wemotaci, d’Opitciwan et de Manawan entendent perturber les opérations forestières et de transport de la ressource vers les usines de transformation.

« Nous visons surtout les opérations forestières de Kruger », déclarait le chef du conseil de bande d’Opitciwan, Christian Awashish.
Le territoire revendiqué par les Atikamekws, nommé Nitaskinan, est d’une superficie de 62,000 km², soit environ plus de deux fois la superficie de la ville de La Tuque.

Les négociations entreprises il y a plus de 32 ans entre la nation atikamekw et les gouvernements n’avancent pas. « Depuis trois ans, nous sommes complètement bloqués. Le gouvernement fédéral n’a plus de négociateur. C’est assez ! Trente-trois ans de négociations, c’est inacceptable », affirme le chef Awashish. « Pendant ce temps, le quotidien sur nos communautés n’est pas mieux. Les gens vivent encore dans la pauvreté et nous manquons de maisons pour tout le monde. »

Les demandes des communautés atikamekws

Les trois communautés autochtones désirent être consultées pour l’exploitation des ressources naturelles sur leur territoire ancestral, le Nitaskinan. Ils dénoncent par la même occasion la stagnation de la négociation territoriale globale qui dure depuis 33 ans avec le gouvernement fédéral. Les chefs atikamekws veulent signer avec les gouvernements fédéral et provincial une entente similaire à la Paix des Braves qui permet aux Cris d’obtenir des redevances sur l’exploitation des ressources naturelles.

Douze années après la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, aucun geste n’a encore été posé. Le rapport disait: « Les Canadiens rejettent le paternalisme du passé et reconnaissent que les autochtones sont les mieux placés pour définir leurs intérêts et en assurer la promotion. »
Le conseil de bande d’Opitciwan demande pour alimenter sa scierie, que Québec lui accorde un volume de bois de 74 000 m³ qui appartient à Kruger. La demande a été faite il y a plusieurs mois. Québec n’a pas accepté cette demande. « C’est la goutte qui a fait déborder le vase », selon le chef du conseil de bande d’Opitciwan, Christian Awashish. Le conseil de bande d’Opitciwan dit que ce refus de discuter de ces demandes l’a poussé à passer à l’action. « Nous passons à une autre étape. On monte la pression d’un cran », soutient le chef C. Awashish. « C’est un geste de désespoir ».

Les autochtones contestent les activités de Kruger, qui s’effectuent sans leur consentement et sans consultation. Les Atikamekws soutiennent qu’ils ne sont pas consultés lorsque vient le temps d’allouer les droits de coupe de bois et qu’ils n’obtiennent aucune compensation financière.

Mobilisation de la communauté face au refus du
gouvernement de défendre leurs droits

Les Atikamekws ont érigé quatre barrages sur des chemins forestiers ainsi que sur le chemin de fer du Canadien National. Ils ont bloqué la route forestière 25 aux kilomètres 61 et 175 ainsi que la route de Clova au kilomètre 30. Ils ne ciblent que les opérations forestières (la coupe et le transport du bois). Les routes sont ouvertes aux vacanciers et aux voyageurs. De même, les trains de passagers de Via Rail peuvent circuler normalement. Les activités des pourvoiries de pêche se déroulent comme d’habitude, sans problème.

Le 10 juillet, les barrages dressés par les communautés Atikamekws en Haute-Mauricie ont été levés pour permettre la tenue de discussions devant mener à des négociations et ce, malgré qu'un camionneur ait foncé sur un de leur barrage. Les membres des trois communautés atikamekws s’étaient réunis le samedi 7 juillet à Wemotaci pour faire le point sur la situation forestière en Haute-Mauricie, et préparer un projet d’entente qui a été présenté au gouvernement du Québec le lundi 9 juillet.

« C’est l’ensemble des enjeux reliés aux ressources naturelles dont on veut débattre », indique le chef Awashish de la communauté d’Opitciwan. « Nous allons donner au gouvernement du Québec une dernière chance de faire preuve d’une nouvelle relation de confiance. C’est au gouvernement à faire la démonstration dans les prochains jours, les prochaines semaines, de s’asseoir avec les Atikamekws et leur donner espoir en un meilleur avenir », a-t-il ajouté.

« Nous ne voulons pas freiner le développement. Au contraire, il faut considérer le développement économique des quelques 5800 Atikamekws », souligne David Boivin, chef de Wemotaci.

Avec un taux de sans-emploi de plus de 60 %, les Atikamekws désirent un règlement rapide.

Pour sa part le ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec, Geoffrey Kelly, a répété que la nécessité de maintenir le dialogue avec les Premières Nations faisait l’unanimité dans toutes les formations politiques.

Les négociations doivent se conclure avec une entente d'ici le 30 août. « Il faudra que le gouvernement négocie sérieusement et respecte l’échéancier du 30 août. Nous n’accepterons pas que le processus traîne », a commenté le chef de Manawan, Paul-Émile Ottawa.

Le règlement de ce dossier profiterait à toute la région, les travailleurs comme les compagnies forestières et aux trois communautés atikamekws (Manawan 2400 personnes, Wemotaci 1700 personnes, Opitciwan 2592 personnes).

Il a été démontré que toutes les grandes ententes entre des nations autochtones et les gouvernements ont résulté en une croissance économique cinq fois supérieure de ces régions, a précisé M. Awashish.


Un activiste des droits des Premières Nations a quant à lui dit que « Dans le contexte actuel de la tenue de futures élections provinciales, le Parti libéral vient d’acheter du temps. En repoussant au 30 août prochain l’éventuel règlement de ce conflit, il vient d’écarter une situation embarrassante pour la durée de la prochaine campagne électorale

Photo de droite: « C'est assez, rendez-nous nos terres »

(Photos: LML, Echo de La Tuque, Facebook)

http://www.pmlq.qc.ca/Articles/2012/120720-Attikamekwsbarrage.html