Livre complet: L’image de l’Amérindien dans les manuels scolaires du Québec ou Comment les Québécois ne sont pas des sauvages. (1972)




Après ses études à l'Université Cambridge, Bernard Arcand enseigne l'ethnologie aux universités de Copenhague et McGill. Il est présentement professeur d'anthropologie à l'Université Laval.
Ethnologue, Sylvie Vincent a été rédactrice de la revue Recherches amérindiennes au Québec pendant cinq ans. Elle a commencé à recueillir l'histoire orale des Montagnais et participe à des travaux en archives sur l'intervention de notre société dans l'histoire montagnaise.
Un Québec en mutation, à l'affût de la moindre parcelle de son patrimoine. Un Québec qui se cherche un miroir et essaie de se définir. Alors tous les faiseurs d'image collective se mettent à la tâche. Au premier rang, l'école et l'histoire, Et il ne s'agit pas tant ici de savoir qui nous sommes que de formuler une nouvelle image de nous-mêmes, rassurante et stimulante en même temps, une image collant à un certain projet collectif.
Pour constituer cette image, les historiens esquissent en arrière-fond celle de l'Amérindien. Mais pas n'importe lequel. Un Amérindien dont l'agressivité justifie nos actes génocidaires et la passivité l'échec de nos tentatives d'intégration. Un Amérindien, surtout dont le primitivisme sert à mettre en lumière notre haut degré de civilisation et nos réussites en cette terre québécoise qui n'a jamais été la sienne Si notre passé est tissé sur trame amérindienne, il faut savoir que nous n'avons rien à voir avec les « Sauvages » et que, d'autre part, les Amérindiens sont morts. Ainsi parlent les manuels scolaires agréés par le ministère de l'Éducation du Québec.




PRÉFACE



Francine FOURNIER,
Vice-présidente
Commission des droits de la personne du Québec


L'histoire écrite a été traditionnellement l'histoire des vainqueurs et des dominants. Les autres groupes sociaux tels les femmes, les autochtones, les minorités, les non-possédants ont été plus ou moins occultés des mémoires officielles et n'apparaissent le plus souvent qu'en toile de fond, servant ainsi à mettre en relief les exploits des tenants du pouvoir.
Mais, comme le pouvoir n'appartient pas de façon continue aux mêmes groupes, l'histoire officielle est repolie périodiquement si bien que l'on y voit émerger de nouveaux vainqueurs et de nouveaux dominés. Une remise en question permanente de l'histoire officielle et particulièrement de l'histoire présentée au niveau scolaire est donc essentielle. Sans la permanence de cette critique, les sociétés et les peuples risquent de s'empêtrer dans un contentement de soi facile et trompeur. L'analyse que Bernard Arcand et Sylvie Vincent font de la « présence » des peuples autochtones dans les manuels d'histoire en usage au Québec et plus généralement dans l'enseignement au niveau primaire et secondaire, laisse l'impression gênante que ces peuples ont plus ou moins cessé d'exister à partir de l'arrivée des Européens et que ceci était inéluctable. D'après Arcand et Vincent, les Autochtones n'ont de place dans les manuels qu'en fonction de leurs relations avec les Blancs. Ils y sont tantôt décrits comme féroces et arrogants, ce qui valorise le colon qui résiste et qui vainc, tantôt comme accueillants et passifs ce qui rend normale leur exploitation à des fins militaires et commerciales. Mais, étant ceci et cela, agressifs et généreux, sales et joyeux, désordonnés et libres, repoussants et attirants, ils sont essentiellement des « primitifs » ce qui explique nos tentatives d'intégration et justifie l'envahissement de leurs terres, la dépossession de leurs biens et finalement le triomphe de notre civilisation « supérieure ».
La critique d'Arcand et Vincent est provocante. Il est certes impossible de demeurer indifférent à leur démonstration soignée et approfondie du phénomène de marginalisation des Amérindiens et des Inuit, en particulier dans les manuels d'histoire.
Cet ouvrage nécessaire, qui met en lumière l'image de l'Amérindien imposée par les manuels scolaires, devrait permettre [8] aussi de prendre conscience des stéréotypes véhiculés par l'ensemble des faits et des gestes, des dits et des écrits de notre société, notamment quand elle parle des droits des Autochtones. Car de quels droits s'agit-il sinon, fondamentalement, de ceux qui composent le droit à l'existence en tant qu'individu et en tant que société ayant une culture et un passé différents. Il est urgent de porter un nouveau regard sur l'histoire afin de saisir selon une perspective plus juste les apports des différents peuples qui ont forgé et qui continuent à construire le Québec. La richesse, la diversité culturelle et politique des peuples qui ont habité le territoire du Québec depuis plus de 5000 ans, leur contribution spécifique au développement de l'humanité doivent être analysées et connues. Il est inacceptable que l'ensemble des habitants actuels du Québec ne connaisse pas, ou bien mal, la nature réelle des relations que les Autochtones ont eu historiquement avec les non-Autochtones.
La Charte des droits et libertés de la personne affirme dans son préambule que tous les êtres humains, et partant tous les peuples, sont égaux en dignité et en droits. Ceci implique que tous les peuples ont droit à leur histoire.

Francine FOURNIER,

Vice-présidente
Commission des droits de la personne du Québec

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