Les autochtones du Canada et la justice ... les squelettes sortent du placard

Un regard sur le monde à travers les yeux d'un autochtone

Depuis plus 15 ans que femmes autochtone du Québec demandent une enquête national sur les cas de disparitions ou assassinats. Le gouvernement conservateurs n'a jamais voulu ouvrir une enquêtes depuis ses 10 ans au pouvoir. Le nouveau gouvernement Trudeau à décider autrement . Voici quelques articles de la boîte de pandore autochtone que beaucoup de monde aurait aimer que ces dossiers soient clos ...


Allégations d'abus sur des femmes autochtones à Val-d'Or: le SPVM enquêtera

Martin Croteau
MARTIN CROTEAU
La Presse
(Québec) Le gouvernement Couillard a défendu le travail d'enquête mené par la Sûreté du Québec (SQ) sur des allégations d'abus de la part de ses propres policiers contre des autochtones. Il a néanmoins confié l'enquête au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en reconnaissant que «les gens n'ont pas confiance» au processus initial.

Lise Thériault défend le travail d'enquête de la SQ

La ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a réagi avec émotion aux allégations d'agressions sexuelles et d'abus de pouvoir qui auraient été commis par des policiers contre des autochtones à Val d'or. Elle a même dû interrompre son point de presse pour retenir des larmes.
«Je suis aussi choquée que la population», a-t-elle reconnu, la voix éraillée.
La ministre a annoncé que les huit policiers visés par des allégations d'agression sexuelle et d'abus de pouvoir ont été placés en «retrait administratif». Le directeur par intérim du poste local de la SQ a été remplacé. Et la sous-ministre aux affaires policières a été dépêchée à Val-d'Or.
À la demande du directeur général de la SQ, l'enquête sera confiée au SPVM, a confirmé la ministre.
Mme Thériault a dû se défendre de ne pas avoir réagi plus vite. Les gestes commis par les agents de la SQ auraient été commis en mai et ce n'est qu'au lendemain de la diffusion d'un reportage à Radio-Canada que sont survenues les annonces de vendredi.
«On n'aurait pas pu faire plus, a-t-elle affirmé. Dans le reportage, il y a des faits qui n'ont pas été portés à la connaissance des policiers.»
Elle assure que le travail d'enquête mené par la SQ était adéquat et suivait le processus. Mais elle reconnaît que la population ne croit pas que le corps policier soit en mesure d'enquêter sur ses propres agents.
«Ce n'est pas parce qu'il y a eu des lacunes (dans l'enquête de la SQ), a-t-elle dit. C'est tout simplement parce que les gens n'ont pas confiance au fait que ce soit le département d'enquête de la SQ. Donc pour restaurer cette confiance, le directeur général de la SQ me demande de transférer l'enquête.»
La SQ s'est penchée sur 14 événements impliquant huit policiers entre 2002 et 2015. Au total, 12 plaignants se sont manifestés.
Une femme a déclaré à Radio-Canada avoir été amenée par des policiers dans un chemin isolé. Les agents lui auraient demandé qu'elle leur fasse une fellation en retour de 200$. Une autre a relaté une intervention au cours de laquelle des policiers auraient détruit son téléphone cellulaire et lancé ses souliers dans la neige avant de l'abandonner sur une route située à des kilomètres de son domicile.

La SQ change son patron à Val-d'Or

La Sûreté du Québec vient de changer le patron de son détachement à Val-d'Or, dans la foulée des révélations de Radio-Canada sur des allégations graves envers ses policiers.
Guy Lapointe, responsable des relations médias du corps policier, a aussi réitéré que huit agents avaient été suspendus ce matin, le temps qu'une enquête soit complétée. 
«Aussitôt qu'on a eu des informations selon lesquelles il y avait des allégations, on a agi immédiatement», a affirmé M. Lapointe. «La SQ estime que ces comportements allégués sont complètement inacceptables.»
C'est la capitaine Ginette Séguin qui prendra les rênes du poste de police de Val-d'Or. Elle n'a pas de lien avec la région.
- Philippe Teisceira-Lessard, La Presse, à Montréal

Une enquête publique et indépendante est réclamée

À la suite de la diffusion d'un reportage troublant de Radio-Canada sur les sévices subis par des femmes autochtones à Val-d'Or, les intervenants du milieu et les autorités locales réclament des enquêtes publiques et indépendantes sur ces événements et, plus largement, sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.
Édith Cloutier, directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, a souligné en conférence de presse vendredi que le gouvernement du Québec avait la responsabilité d'assurer la sécurité de tous ses citoyens. Elle a ainsi réclamé de façon «urgente» une enquête gouvernementale sur le cas spécifique de Val-d'Or, ainsi qu'une commission d'enquête indépendante sur les femmes disparues ou assassinées.
Elle a rappelé que plusieurs autres femmes avaient été victimes de ces abus, qualifiant la situation de «tragédie nationale».
Mme Cloutier avait aussi demandé à ce que les huit policiers visés par des enquêtes soient suspendus temporairement - une demande qui a été accordée quelques minutes plus tard par la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault.
«Ne pas agir, c'est se rendre complice», a plaidé Mme Cloutier.
Le chef de la Première Nation Abitibiwinni David Kistabish a lui aussi pressé le premier ministre désigné Justin Trudeau de mettre en oeuvre «dès maintenant» sa promesse d'instaurer une commission d'enquête publique sur les femmes autochtones disparues ou assassinées.
«Je suis perturbé. Comme père de famille, je suis dégoûté. Comme Algonquin, je suis blessé. Comme chef, je suis choqué», a-t-il tranché.
M. Kistabish a souligné que le Québec avait également ses responsabilités dans ce dossier, insistant sur le fait qu'il fallait «faire le point, de nation à nation».
«Comme leader de ma communauté, je ne resterai pas les bras croisés, et je ne vais pas rester invisible (... ) M. Trudeau, M. Couillard, je vous demande de passer aux actes», a-t-il déclaré.
«Nous demandons justice. Justice pour les femmes qui ont été abusées, maltraitées. Justice pour les enfants qui sont abandonnés, ignorés par les autorités gouvernementales», a-t-il conclu.
Les propos de Mme Cloutier et du chef autochtone ont été précédés par le témoignage émotif de la famille de Sindy Ruperthouse, qui est disparue depuis maintenant 17 mois.
«On nous a arraché notre fille. Nous ne sommes plus les mêmes. Il manque une partie de notre famille», a affirmé péniblement son père, Johnny Wylde.
La famille de Sindy Ruperthouse avait alerté les autorités de la disparition de la femme de 44 ans et on lui aurait répondu qu'elle avait trop tardé pour le faire. Les policiers avaient dit à l'époque qu'ils attendraient la fonte des neiges, au printemps 2015, avant d'entamer les recherches, mais rien n'a été fait depuis, a déploré M. Wylde.
«Nous nous sentons démunis face à la situation», a-t-il soutenu.
- La Presse Canadienne à Val-d'Or


Mise à jour le mardi 16 février 2016 à 15 h
Le reportage de Joyce Napier
Le nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées au pays est sans contredit plus élevé que 1200, comme l'estime la Gendarmerie royale du Canada (GRC), affirment deux ministres du gouvernement Trudeau.
Après que la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, eut déclaré lundi que le nombre réel était « beaucoup plus élevé que 1200 », la ministre de la Condition féminine, Patricia Hajdu, se montre elle aussi disposée à admettre que l'étendue de cette tragédie est sous-estimée.
Dans un rapport publié en 2014, la GRC estimait que 1017 femmes autochtones avaient été assassinées entre 1980 et 2012, et que 164 autres étaient disparues. Elle a ajouté 32 morts et 11 disparitions à ce sombre bilan en 2015.
Dans une entrevue accordée lundi soir au réseau CTV, la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, Dawn Lavell-Harvard, a cependant soutenu que ce chiffre ne constitue que « la pointe de l'iceberg », et qu'il pourrait s'approcher en fait de 4000.
« Nous n'avons pas un chiffre exact. Mais quand j'écoute Dawn Lavell-Harvard, l'estimation basée sur une étude qu'ils ont faite, c'est dans les environs de 4000, selon eux. »— La ministre de la Condition féminine, Patricia Hajdu
Lorsqu'on lui a demandé comment la GRC pourrait avoir sous-estimé le nombre de cas, la ministre Hajdu a répondu : « Ils ne regardaient que certains paramètres spécifiques ».
« Quand vous commencez à ajouter les cas litigieux, par exemple, les cas de gens dont la mort a été considérée comme un suicide, ou due à une exposition [au froid] [...] bien entendu, le nombre grimpe », a-t-elle précisé.
« Je n'ai pas le chiffre exact », a pour sa part indiqué Mme Bennett, mardi, après une rencontre du Conseil des ministres. « Nous croyons que la GRC a vraiment fait son possible avec d'autres corps de police pour parvenir à ce chiffre de 1200. »
Une tragédie au-delà des chiffres 
La tragédie réelle est cependant beaucoup plus importante que ne l'indiquent les chiffres, a réitéré la ministre, en évoquant des témoignages entendus dans le cadre de la tournée visant à déterminer le mandat de l'enquête publique à venir sur ce sujet.
Femmes autochtones disparues ou assassinées, notre dossier
« Il n'y a aucun doute que des familles veulent que certains cas soient rouverts. Nous avons entendu ça d'un océan à l'autre », a-t-elle fait valoir. « Des familles nous l'ont dit et répété : le dossier [de leur proche] est vide. Il n'y a pas eu d'enquête », a ajouté la ministre Bennett.
« Les familles vous diraient que beaucoup de dossiers n'ont jamais été ouverts de prime abord, parce qu'il n'y a pas eu d'enquête. Des cas n'ont pas été considérés comme des meurtres. On a conclu au suicide, à un accident, à une mort naturelle ou à une surdose de drogues. »— Carolyn Bennett, ministre des Affaires autochtones
Lorsqu'on lui a demandé si la future commission d'enquête pourrait jouer un rôle dans ces cas non comptabilisés, la ministre Bennett a répondu que cela ferait partie des délibérations à venir.
« Que fait-on avec ces cas? Comment trouver un système qui permettrait peut-être aux commissaires de déterminer que certains cas doivent être rouverts et être examinés de nouveau? », a-t-elle demandé.
Mme Bennett soutient cependant qu'il ne faut pas se contenter d'évoquer des chiffres dans cette histoire. « Il est très important que nous décrivions une tragédie plutôt que de simplement compter les morts et les disparus », a plaidé la minis tre.

Source:  Radio-canada

39 ans après la mort de 5 Autochtones, Manawan crie à l'injustice

Mise à jour le mardi 23 février 2016 à 16 h 07 HNE
Le reportage de Francis Labbé
Exclusif - En 1977, les Atikamekw de Manawan perdaient cinq membres de leur communauté dans ce qui a été classé comme un accident de la route. Mais depuis l'automne dernier, un document du coroner soulève plusieurs questions, de sorte qu'ils demandent maintenant l'intervention du ministre de la Sécurité publique.
Un texte de Francis LabbéTwitterCourriel
Le drame soulève toujours beaucoup d'émotions dans cette communauté de la région de Lanaudière. « C'est comme si c'était arrivé hier », raconte Angèle Petiquay, qui a perdu son frère Denis, 18 ans, cette journée-là. « La douleur est toujours là. »
La tragédie est survenue dans la nuit du 25 au 26 juin 1977. Les cinq Autochtones se trouvaient dans un véhicule en compagnie de deux non-Autochtones lorsqu'est survenue une sortie de route. Le véhicule, de type fourgonnette, s'est retrouvé dans la rivière du Milieu, située à une vingtaine de kilomètres au nord de Saint-Michel-des-Saints.
À l'époque, la communauté n'a pas appris la nouvelle par les policiers de la Sûreté du Québec, mais par la bouche d'enfants qui circulaient de maison en maison.
« La police, ils ont garroché ça dans le village comme ça. Aucun respect. »— Valérie Quitich, Autochtone de Manawan
Un rapport troublant
Le sujet est demeuré tabou pendant près de quatre décennies. L'automne dernier, Rose-Anna Niquay, de Manawan, en a parlé au conseil d'administration de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues (AFPAD), où elle siège. La directrice générale de l'Association, qui est aussi avocate, a demandé le rapport du coroner aux Archives nationales du Québec. Un rapport qui contient des révélations troublantes.
La rivière du Milieu, située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints, là où s'est produit l'accident.La rivière du Milieu, située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints, là où s'est produit l'accident.  Photo :  Charles Dagenais
Dans une déclaration écrite, le conducteur du véhicule admet avoir consommé 18 bières cette journée-là.
Le coroner écrit que les deux survivants avaient les facultés affaiblies et conclut à un acte criminel.
Mais aucune accusation ne sera déposée. Les deux survivants affirment être montés sur le toit du véhicule immergé, avant de regagner la rive à la nage.
Ils affirment être parvenus à s'allumer un feu une heure plus tard, et qu'ils ont attendu le lever du jour avant d'aller avertir les policiers, à pied, à Saint-Michel-des-Saints, à une distance d'environ 19 kilomètres. Une fois sur place, ils écrivent avoir pris un café avant d'avertir les policiers.
Extrait de « Le Petit Journal », Semaine du 2 au 8 juillet 1977Extrait de « Le Petit Journal », Semaine du 2 au 8 juillet 1977  Photo :  Le Petit Journal
Ces révélations ont choqué la communauté. « Prendre un café? C'est quoi là? Je m'excuse, mais c'est inacceptable, une déclaration comme celle-là », lance Mélanie Petiquay, nièce de Denis Petiquay. Plusieurs Autochtones se demandent aussi comment les deux survivants ont pu allumer un feu après avoir nagé dans la rivière.
Autre élément qui dérange : les familles affirment n'avoir reçu aucune visite d'un enquêteur à la suite de ces décès.
« Les personnes de la communauté qui ont vu pour la dernière fois les cinq victimes n'ont jamais été rencontrées par la police. Selon la famille, l'enquête n'a pas été faite correctement. »— Francine Dubé, Autochtone de Manawan
Aucune accusation n'a été portée contre le conducteur. Le coroner a conclu à une mort par noyade pour chacun des cinq Autochtones, mais aucune autopsie n'a été pratiquée sur les victimes. L'affaire a été classée comme un accident par les policiers. Les deux survivants de cet accident sont toujours vivants, de même que les policiers qui ont enregistré leurs déclarations. Le coroner Ulysse Laferrière est décédé.
Extrait du rapport du coroner Ulysse Laferrière, 27 juin 1977

« F a brisé la vitre de la porte arrière et a crié : "sortez par en arrière!" F est sorti et j'ai crié : suivez-moi! Et je suis aussi sorti en arrière. F est monté sur le toit du camion. En sortant, j'ai crié une fois sorti et F m'a tiré par le bras et je suis aussi monté sur le toit. Il faisait très noir. Nous avons regardé en vain si nous ne verrions pas les autres. Après nous être orientés, nous avons nagé vers le rivage. Nous sommes parvenus à allumer un petit feu au bout de 1 heure et nous sommes restés là jusqu'au matin. Nous sommes descendus à Saint-Michel à pied (12 milles ). Nous avons pris un café et avons averti la Sûreté du Québec. »
« Difficile » de porter de nouvelles accusations
Walid Hijazi, criminaliste.Walid Hijazi, criminaliste.  Photo :  Jacques Racine
Pour le criminaliste Walid Hijazi, les policiers peuvent décider ou non de transférer un dossier aux procureurs de la Couronne. « Les policiers ne sont pas obligés de poursuivre une enquête s'ils estiment qu'ils ne trouveront rien et qu'il n'y a pas de matière à enquêter davantage », affirme-t-il.
« À la lecture du rapport du coroner, il y a des éléments de preuve qui manquent pour mettre de la viande après l'os et justifier une accusation. »
Walid Hijazi affirme par ailleurs qu'il n'existe aucune limite temporelle pour déposer des accusations criminelles. Mais, selon lui, il serait peu probable que de nouvelles accusations soient portées dans cette affaire. « Ce que nous lisons dans le rapport du coroner est tragique, mais aurait pu arriver à n'importe qui. Il semble s'agir d'un accident. Triste, bien sûr, mais un accident. »
« Le taux d'alcool n'est pas précisé, et le moment exact de la consommation n'a pas été enregistré [...] Il devient assez difficile, plusieurs années plus tard, d'essayer d'établir le taux d'alcoolémie du conducteur. »— Walid Hijazi
Les policiers de la SQ affirment avoir remis tout récemment le dossier aux procureurs de la couronne. L'enquête est considérée comme toujours ouverte et les enquêteurs demandent à toute personne intéressée à faire une déclaration de les contacter. De son côté, l'AFPAD se demande pourquoi les policiers n'ont pas recueilli ces témoignages il y a 39 ans.
« Imaginez maintenant que ce soit cinq jeunes filles blanches qui aient perdu la vie dans un accident de la route, et que les conducteurs auraient été deux personnes autochtones. Est-ce qu'on aurait eu les mêmes conclusions? Est-ce qu'on aurait eu les mêmes efforts des corps policiers? Ça, je n'en suis pas certaine. »— Nancy Roy, avocate et directrice générale de l'AFPAD
Jean-Roch Ottawa, chef de Manawan.Jean-Roch Ottawa, chef de Manawan.  Photo :  Charles Dagenais
L'AFPAD et le chef de la communauté de Manawan ont écrit au ministre de la Sécurité publique pour que le dossier progresse.
« C'est comme si nous avions reçu un service de seconde classe. Il faut dire : "c'est assez". Nous ne voulons plus que nos membres vivent des choses comme celles-là. Nous voulons être traités d'égal à égal. Il faut que la lumière soit faite sur cette affaire-là, pour que nos membres puissent faire leur deuil et passer à autre chose. »— Jean-Roch Ottawa, chef de Manawan
« Il n'y a jamais eu rien de fait. On ne peut pas entamer un deuil de même. Il faut qu'on nous explique ce qui s'est passé pour que nous puissions accepter, et peut-être, pardonner », affirme Valérie Quitich, qui a perdu sa mère, Juliana, alors âgée de 24 ans.
Valérie Quitich a perdu sa mère dans cette tragédie.